terça-feira, 2 de agosto de 2011

UM IMENSO ADEUS

«On sait à satiété, en effet, et par des témoignages de toute qualité, y compris la pire, la plus larmoyante, ce que représente la rupture avec le parti pour un intellectuel communiste. Que ce soit à la suite d'une exclusion ou d'un abandon volontaire, ce genre de rupture est douloureuse, on le sait. On quitte d'un seul coup papa-maman, la sainte famille, les certitudes, la chaleur fraternelle des masses laborieuses (qu'onn'a en général pas fréquentées, d'ailleurs, si ce n'est sous les espèces de ces ouvriers et paysans permanents que sont les permanents politiques n'ayant plus mis la main à la pâte, ni au four ni au tour ni à la charrue ni au moulin depuis un quart de siècle, au bas mot!), l'horizon bleu-horizon de l'Histoire. On saute en marche de la marche de celle-ci (l'Histoire). Bref, on reste seul. Ce qui est, bien sûr, la meilleure situation imaginable pour un intellectuel qui accepte jusqu'au bout les risques de sa fonction critique. Mais cette dernière vérité est souvent longue à découvrir, surtout aux époques de remue-ménage historique où les causes justes foisonnent. Où l'on tarde parfois, selon les circonstances biographiques et de l'histoire immédiate, à comprendre que les causes et les guerres justes mènent souvent tout droit aux societés les plus radicalement injustes de cette planete au cours de ce siècle.
Bref, disais-je: c'est dur de rompre. Pour toute sorte de raisons, y compris les pires. Le travail du deuil est toujours endeuillé. Dans mon cas, pourtant, et grâce au hasard de la rencontre d'Alain Resnais, de son désir de me faire écrire un film pour lui - désir né, semble-t-il, après la lecture du Grand Voyage que lui avait suggérée Florence Malraux; et c'est bien pour cela que le scénario publié de La guerre est finie lui est dédié, à Florence -, grâce au hasard de cette rencontre, donc, mon retour sur terre, dans le monde réel, après l'exclusion du parti communiste espagnol, s'est fait sans trop de dommages.
Grâce à Montand, aussi. Peut-être même surtout.»