quarta-feira, 29 de junho de 2011

UM IMENSO ADEUS

http://www.youtube.com/watch?v=0PcIYGRIlOs

«L'ensemble de jazz créé par Jiri Zak, ses séances de musique publiques, ou bien, le plus souvent, entre nous, dans des espèces de jam-sessions, le dimanche après-midi principalement, étaient l'une des plus belles choses, les plus étonnantes et riches, qu'il m'aura été donné de connaître.
Musique doublement clandestine, d'ailleurs.
Autant les sous-officiers SS qui étaient en contact direct avec la population déportée fermaient les yeux ou toléraient les activités culturelles que les diverses nationalités parvenaient à organiser le dimanche après-midi, autant ils seraient brutalement intervenus contre les séances de jazz, cette musique de Nègres!
De leur côté, les vétérans communistes allemands n'avaient aucun goût pour cette musique, décadente, affirmaient-ils, typique de cette époque de décomposition du capitalisme. Ils auraient probablement décidé de l'interdire, s'ils avaient vraiment été au courant. Mais Jiri Zak, soucieux d'éviter des heurts et des discussions compliquées, s'arrangeait pour que les séances de jazz eussent lieu en marge du circuit légal - si l'on peut dire! - des activités culturelles.
Ce n'étaient pas la trompette de Louis Armstrong, certes, mais ce n'était pas mal. Pas mal du tout, franchement.
Lorsque je suis entré dans la salle du Kino, le dimanche après-midi, huit jours avant celui dont il est question dans ce récit, l'étudiant norvégien venait d'attaquer le premier solo de In the Shade of the Old Apple Tree. Autour de lui, ça jubilait. Markovitch s'empara de son saxo, le batteur se déchaîna. Ils y allaient tous à leur tour, pris dans le rithme et la contrainte de la structure thématique, s'en libérant aussitôt dans une improvisation accordée, rompant sans cesse ces accords provisoires.
Jiri Zak était aux anges, ses yeux brillaient derrière les verres de ses lunettes d'acier.
J'entrai dans cette jubilation, ce sentiment d'extrême liberté que m'a toujours donné, me donne encore, la musique de jazz.»